L’année 2020 a été éprouvante pour tous, mais peut-être un peu moins pour le jeune compositeur Maxime Fortin. Combien de prix avez-vous récoltés l’an dernier, Maxime? « Il me semble en avoir remporté deux, mais peut-être un troisième, je n’en suis pas certain, avec les festivals qui ont été reportés… ». Meilleure musique originale pour la websérie Amours d’occasion d’Eva Kabuya au Marseille Web Fest, Meilleure musique originale pour celle de La Maison des folles de Mara Joly au Melbourne WebFest, gardons la surprise pour la troisième récompense de Fortin, dont la carrière est, à l’évidence, en plein essor.
Il n’a que 28 ans et impressionne par sa maîtrise des contrastes des timbres et des textures sonores. « C’est ce que j’aime beaucoup mettre de l’avant dans mes pièces, répond Fortin. Dans ma conception de la musique pour le cinéma ou la série télé, on a peut-être un peu délaissé l’idée du thème ou du motif mélodique très clair; j’ai pris le pari de travailler des signatures [musicales] moins thématiques et plus texturées ».
Originaire d’Amos, Maxime Fortin possède une formation de piano classique au cégep de Sainte-Foy, puis à l’Université de Sherbrooke, où il est passé du programme d’Interprétation classique à celui, tout récent lorsqu’il y fut admis, de Composition et musique à l’image, conçu et dirigé par le professeur André Cayer. Un programme, mentionne Maxime, qui « commence à installer sa réputation de programme important » et où il donne parfois des ateliers.
Le compositeur s’est installé à Montréal en 2015 à la fin de ses études avec l’espoir de se faire un nom dans le domaine de la musique à l’image : « J’ai toujours été un fervent amateur de films, si bien que je me considère avant tout comme un spécialiste du cinéma à travers la musique qu’un musicien qui s’est tourné vers le cinéma. Ce qui m’a fait entrer dans la musique à l’écran, je crois, c’est parce que je suis un amateur de cinéma » et de ses compositeurs, dit-il en citant le travail de Hans Zimmer, Trent Reznor et, dans un registre différent, du célèbre compositeur estonien Arvo Pärt, dont l’œuvre semble résonner particulièrement auprès des cinéastes.
En sortant de l’Université, Maxime Fortin a bénéficié des conseils du compositeur Samuel Laflamme, qui œuvre pour la télévision, la publicité et le jeu vidéo : « Je l’avais contacté pour avoir des conseils, apprendre comment démarrer ma carrière; finalement, pendant que je me cherchais un appartement, il m’a proposé de partager un espace » dans les locaux de Tone Studio, propriété du compositeur et ingénieur du son James Duhamel.
« Ça m’a permis de me familiariser avec le métier, d’en apprendre aussi sur le monde du jeu vidéo, ce que je n’aurais peut-être pas pu faire tout seul en sortant de l’université, tout seul de mon côté, explique Maxime. Ces deux années ont été pour moi ultra-formatrices, et j’encourage beaucoup les jeunes compositeurs et compositrices de musique de film à chercher des mentors, des gens qui ont beaucoup d’expérience, une panoplie de projets et qui voudront les assister. »
« Avec le « grand écran » pour l’instant sur pause en raison de la pandémie, les gens découvrent de plus en plus de formats, dans le confort de leurs salons. »
Les premières années de Maxime Fortin ont été riches en expériences et en projets divers, mais les derniers mois ont été particulièrement chargés pour le compositeur, dont le téléphone n’a pas cessé de sonner depuis un an. « À mon sens, chaque film, chaque œuvre est une entreprise dans laquelle on cherche à réunir les meilleurs éléments », scénaristes, acteurs, réalisateurs, producteurs, etc. « Lorsque je choisis mes projets, personnellement, j’essaie de voir si tous les bons éléments sont réunis, et si je peux devenir un élément qui contribuera au succès de l’œuvre », estime le compositeur, qui explore aussi la chanson et la pop en tant que compositeur, réalisateur et arrangeur « avec les musiciens qui n’ont pas encore beaucoup de notoriété, mais l’occasion me permet de faire mes griffes et comprendre comment le milieu [de la pop] fonctionne. La chanson et la musique de film, ce sont des univers complètement différents. »
Son jugement l’a bien servi, alors que les œuvres auxquelles son nom est associé ont attiré l’attention, ici et ailleurs. Il a déjà signé la musique de sept webséries, dont Col Bleu (2017, sur tv5unis.ca), Nomades (deux saisons, sur ici.tou.tv) et les deux récentes lui ayant valu de belles récompenses.
« Le Web, c’est la nouvelle commodité », commente le compositeur, en ce moment associé à ce format médiatique. « Je gagne de l’expérience [grâce à ces opportunités pour la websérie]. Avec le « grand écran » pour l’instant sur pause en raison de la pandémie, les gens découvrent de plus en plus de formats, dans le confort de leurs salons. Ce sont des projets qui ressemblent énormément à un long métrage, en termes de durée totale, mais aussi à la série télé, en termes de diffusion et de segmentation. Ça fait un bel hybride qui fonctionne en temps de pandémie – tu peux « binge-watcher » la websérie une heure et demie ou deux heures seulement. »
« Être un nom associé dans ce type de format, ça ne peut faire de mal », croit Fortin, qui mène aujourd’hui plusieurs nouveaux projets de front : de nouvelles compositions pour une adaptation télévisuelle de La Maison des folles sont en chantier, et il espère de bonnes nouvelles d’un nouveau projet de long-métrage québécois destiné à la plate-forme Netflix. « J’ai quelques autres projets, pour le web et la télé, mais à cause de la pandémie, il faut être patient. Je suis en contact avec mes collaborateurs et les boites de productions, je fais du travail à l’avance; j’espère que ça ne débloquera pas tout en même temps… sinon, ce sera un beau problème! »