En dix ans de carrière, le groupe The Besnard Lakes est devenu maître incontesté des ambiances sonores rêveuses et feutrées, se situant quelque part entre le rock progressif des années 1970 et la vague shoegaze des années 1990. Groupe à géométrie variable lors de ses premières années, il compte aujourd’hui dans ses rangs quatre membres : Jace Lasek (guitare, chant), Olga Goreas (basse, chant), Richard White (guitare) et Kevin Laing (batterie).
Né à la suite d’une rencontre déterminante (celle de Lasek et Goreas dans une école d’art de
J’ai l’impression qu’auparavant nous étions des fabricants d’émotions. Cette fois-ci, ce sont de vraies émotions à fleur de peau que l’on retrouve.
« On voulait raccourcir la période qui sépare les albums et qui est habituellement de trois ans, mais plus on se mettait de la pression sur les épaules, plus on découvrait que ce qu’on enregistrait était mauvais. À vrai dire, on a enregistré beaucoup de matériel carrément merdique et inutile! Ainsi, on a cessé de s’imposer une date de livraison et on a commencé à produire de la musique à notre rythme, de manière naturelle. On était trop durs envers nous-mêmes. Lorsqu’on est en studio, qu’on se regarde et que les idées ne viennent pas, on est mieux de changer de stratégie, » raconte Jace Lasek, animé.
Élégant, enrobé de délectables et généreuses nappes de guitares, le space-rock de Until in Excess… se veut tout aussi raffiné que son prédécesseur. Recelant des harmonies et mélodies évoquant Brian Wilson, le Besnard Lakes nouveau pourrait paraître un brin moins sombre aux oreilles novices. Mais il n’en est rien. « Lorsqu’on a commencé à faire la promotion de l’album, nous sommes allés en Allemagne et en France et beaucoup de gens avançaient qu’il s’agissait d’un album plus léger, moins sombre et angoissé. Ça nous étonnait à chaque fois parce que le disque est vraiment très lourd pour nous tous. Il traite, entre autres choses, de la perte du père d’Olga. J’ai l’impression qu’auparavant nous étions des fabricants d’émotions. Cette fois-ci, ce sont de vraies émotions à fleur de peau que l’on retrouve sur ce disque très émotif et introspectif, » avoue le blondinet guitariste et chanteur de 40 ans.
Musique psychédélique
Difficilement classable, le son Besnard Lakes. Tantôt aérien, tantôt plus dense, parfois cinématographique ou un brin nostalgique, il révèle régulièrement de nombreuses couches de guitares soigneusement étalées. Jace préfère utiliser un seul mot pour qualifier la musique de son groupe : psychédélique. « Lorsque j’entends ce mot, ça éveille toujours mon intérêt et ma curiosité. Cela implique que l’on retrouve dans cette musique un niveau d’expérimentation, une liberté d’action et un désir de pousser les choses à leur limite. Ça se trouve un peu à être la philosophie du groupe : avancer à chaque fois, faire progresser le son le plus loin que l’on peut humainement le faire, » explique l’Albertain d’origine, copropriétaire du populaire studio Breakglass à Montréal.
Fan invétéré de Slayer, mais aussi de Spiritualized et Yes, le couple Lasek/Goreas est responsable des compositions éthérées et sophistiquées de Besnard Lakes. Perfectionniste jusqu’au bout des ongles, le tandem a besoin de s’isoler pour fonctionner adéquatement. « Règle générale, Olga et moi allons nous réfugier en studio et nous travaillons sur des arrangements de base. La plupart du temps, lorsque je chante, ce sont mes textes et lorsqu’elle chante, ce sont les siens. On discute un peu, puis on s’occupe des structures de base de la chanson. On pense à ce à quoi elle va ressembler lorsqu’elle sera complétée. Et ensuite, on fait entendre le résultat à Richard et Kevin qui s’occupent de fignoler les détails qui restent, » avance Lasek.
Montréal (cette ville)
Débarqué à Montréal il y a 13 ans, l’homme s’y sent aujourd’hui comme un poisson dans l’eau. Son attachement à la ville et à la scène musicale est évident. « Il y a une certaine fierté de dire que l’on fait partie de cette scène. Je ne l’ai pas vraiment réalisé jusqu’à ce que j’aille jouer à l’étranger. On parle énormément de Montréal. Cette scène est encore pertinente et pas mal vibrante. Elle a été chanceuse parce qu’il n’y a pas de son spécifique attaché à la ville. Cela a procuré une liberté d’expression extraordinaire aux artistes qui ont eu l’occasion d’essayer des choses et d’expérimenter sans avoir d’attentes particulières, » révèle-t-il.
Après avoir sillonné les routes européennes en mai dernier, la formation retourne en Europe ainsi qu’au Royaume-Uni en septembre. Elle poursuivra sa tournée sur la côte Ouest des États-Unis au mois de novembre. Sinon, beaucoup de travail attend Jace dans son studio. « Il y a toujours quelque chose à faire. Jamais de répit. On planchera sans doute sur un nouvel album des Besnard Lakes prochainement. Cette fois-ci, on souhaite vraiment le faire paraître plus rapidement! Mais on ne sait jamais avec ce métier. Les imprévus sont nombreux! »