Pas de « facelift » pour la Grande Dame, mais une métamorphose totale.
Le Massey Hall, construit en 1894 par l’industriel et philanthrope canadien Hart Massey au coût de 152 000 $, fait actuellement l’objet d’un projet de revitalisation de 139 millions $ qui entraînera la fermeture de la légendaire salle de 2765 sièges du centre-ville de Toronto fermer ses portes pour un peu plus de deux ans à compter du 30 juillet 2018.
Lorsqu’il rouvrira ses portes en septembre 2020, l’édifice aura non seulement été mis à jour côté technique, mais il sera devenu un hybride d’histoire et de modernisation, et son expansion lui verra ajouter deux salles additionnelles, dont l’une pourra présenter des spectacles en même temps que la salle principale. Le Massey Hall deviendra également la succursale de l’est du pays du Centre national de musique de Calgary et hébergera un musée dédié au riche patrimoine musical de Toronto.
Deane Cameron, président et chef de la direction de la Massey Hall and Roy Thomson Hall Corporation, explique que cinq années de planification méticuleuse permettront d’accroître les activités, l’achalandage et les affaires et assureront son avenir. « Nous avions un profond sentiment de responsabilité en ce qui concerne la bonne façon de la revitaliser en lui redonnant sa gloire d’antan », dit celui qui a auparavant été, pendant de nombreuses années, le président et chef de la direction de EMI Music Canada et qui a quitté sa retraite il y a deux ans pour prendre les rênes de la société. « Notre ambition est de revenir à la vision initiale de Hart Massey, c’est-à-dire de créer un lieu d’engagement civique tout autant qu’un lieu de divertissement. »
Bien qu’un grand pan du financement reste à trouver — Cameron espère recevoir 70 millions $ additionnels des gouvernements fédéral et de l’Ontario en plus de 40 millions $ de financement privé (environ 25 % à 30 % de cet objectif sont atteints) — la première des deux phases de la revitalisation du Massey Hall est complétée. En 2014, le Albert Hall attenant, d’abord construit comme résidence pour les employés, a été racheté d’un développeur immobilier et a été démoli l’an dernier afin de construire un quai de chargement plus que nécessaire. L’absence d’un quai de chargement signifie que les artistes doivent décharger leur équipement par le hall d’entrée, ce qui pouvait parfois prendre deux jours.
Le nouvel édifice de sept étages comporte non seulement un quai de chargement, mais plusieurs autres éléments cruciaux qui manquaient auparavant : une arrière-scène plus spacieuse, des loges dignes de ce nom, ainsi qu’un espace multimédia de 500 personnes ou 260 sièges avec une entrée distincte qui permet de tenir des événements simultanément à ceux de la salle principale. Le bar Centuries, au sous-sol, sera également agrandi pour devenir une salle de 500 personnes, généralement pour y présenter des spectacles après la fin des événements présentés dans la salle principale. Les rénovations et agrandissements permettront de doubler le nombre de spectacles présentés au Massey et ainsi de contribuer encore plus au développement, à l’éducation et à la sensibilisation du public au sujet des artistes canadiens.
« Nous avions un profond sentiment de responsabilité en ce qui concerne la bonne façon de la revitaliser en lui redonnant sa gloire d’antan. » — Deane Cameron, président et chef de la direction de la Massey Hall and Roy Thomson Hall Corporation
Quant à l’esthétique, l’enveloppe externe du Massey, classé monument historique, sera restaurée à sa gloire de 1894, mais avec une touche moderne : en plus de réinstaller son enseigne en pierre et ses 104 fenêtres en vitrail originales, chaque aile sera couverte par une passerelle en verre révélant les agrandissements du deuxième et du troisième étage, incluant les bars, salons et salles de bain. Le quatrième étage abritera la nouvelle salle et hébergera également le Centre national de musique Est — une extension muséale de l’institution musicale de Calgary.
« Le niveau 5 », que Cameron décrit comme une mezzanine, sera « un studio d’enregistrement pour la captation de contenus. Nous serons en mesure d’enregistrer la salle du quatrième et la grande salle. »
Quant à l’intérieur, le lobby art déco de 1933 sera complètement rénové et on y ajoutera de l’éclairage. Tous les sièges de l’auditorium seront remplacés et ils seront tous de 3,8 à 5 cm plus larges « pour respecter le code ». Des sièges seront ajoutés au balcon. Une cinquantaine des 80 sièges actuellement obstrués disparaîtront une fois les nouveaux sièges installés. Les trois niveaux de l’auditorium offriront désormais des sièges accessibles, actuellement confinés au niveau de l’orchestre. Un plancher rétractable permettra de stocker les sièges sous la scène pour les événements en admission générale, ce qui fera passer la capacité de la salle à 2900 personnes.
Bien que le Massey Hall soit reconnu pour son pedigree musical — les plus grands y sont passés, de la légende de l’opéra Enrico Caruso au génie du jazz Charlie Parker, en passant par Gordon Lightfoot, Neil Young et Rush — il a également servi de podium oratoire à des personnages comme l’activiste Nellie McClung et le futur premier ministre britannique Winston Churchill. « Nous aimerions nous faire connaître pour nos conférences du midi », confie Cameron. « Nous allons revenir à notre réputation de salle multifonctionnelle. Elle était devenue un peu trop orientée sur la musique populaire. » Il poursuit en expliquant que le Massey Hall deviendra également prêt à recevoir des projections de films afin d’accueillir le Festival international du film de Toronto.
Mark Garner, directeur général et chef de l’exploitation de la Downtown Yonge Business Improvement Association, réaffirme l’incroyable importance du Massey Hall sur les affaires des commerces locaux. « Tous les restaurants sont pleins avant un spectacle », affirme-t-il. « Le Senator Café, le Jazz Bistro, tous les restaurants de Victoria Street… Nous prévoyons qu’environ 70 000 personnes viendront s’installer sur Yonge Street au cours des 3 à 5 prochaines années… Tous ces gens qui s’installeront dans un des innombrables condos vont sûrement vouloir aller voir un spectacle de temps en temps. Les gens n’ont pas envie de prendre leur auto ou le transport en commun — ils peuvent parcourir ce périmètre de huit pâtés de maisons, et le Massey s’y trouve… On va s’ennuyer du Massey pendant sa fermeture, mais lors de sa réouverture, c’est là que nous procéderons à l’évaluation économique clé et que nous constaterons qu’il est en pleine renaissance. »
Gordon Loghtfoot se produira les 29 et 30 juin 2018 pour la clôture de la salle, et il y aura également des célébrations pour son 124e anniversaire, le 14 juin. Il souligne également que durant sa fermeture, Massey Hall continuera de présenter des spectacles dans des salles avoisinantes comme le Elgin Theatre et le Winter Garden Theatre. Le Roy Thomson Hall sera également utilisé.
La fermeture du Massey aura peut-être un impact négatif sur l’économie du centre-ville durant tous ces mois, mais une étude de Nordicity — une firme torontoise de consultation stratégique, politique et économique — prédit que la salle contribuera 348,1 millions $ au BIP, créera 3950 emplois à plein temps et génèrera 108,1 millions $ en impôts fédéral et provincial entre 2016 et 2025.
« Nous allons augmenter la cadence », explique Cameron. « Nous allons augmenter nos activités. Nous ferons grand bien à notre quartier. Nous avons fait des estimations qui démontrent aux gouvernements provincial et fédéral que s’ils nous accordent chacun les 34 millions $ que nous leur avons demandés, l’un récupèrera sa mise en 8 ans et l’autre en 12, et ce uniquement par la taxation, et ce sont des calculs conservateurs. »
Bien entendu, lorsque le Massey Hall rouvrira ses portes, les grands gagnants seront les amoureux d’art et de culture et les musiciens — sans oublier les restaurants, bars, hôtels et commerçants du quartier.