Il y a un an, Hôtel Morphée annonçait la séparation du groupe dans lequel Laurence Nerbonne officiait comme chanteuse, une fin précipitée qui a pris tout le monde de court. « J’ai été aussi surprise que toi par cette annonce, dit Laurence. On a fait différents choix de vie et de carrière, on n’avait plus les mêmes objectifs. Reste qu’Hôtel Morphée a été la meilleure école pour moi. »
Bien que rapide, la transition s’est opérée en douceur : « Dans un groupe, chacun occupe une position. Là c’est comme s’il n’y avait plus de distance entre mes chansons et moi, entre le public et ma personne. L’approche est encore plus authentique; je me présente pour ce que je suis, je n’en avais pas vraiment eu l’occasion avant. »
Comme Marie-Ève Roy, Fanny Bloom et même Beyoncé (!), Laurence Nerbonne embrasse le beau vertige de l’aventure en solo. Elle a lancé le 18 mars un premier album sous son nom. Sur Montréal XO, premier extrait, elle annonce son retour en jubilant :
Je reviens, je reviens chez moi
Je reviens, cette fois fais-moi entrer (…)
Je reviens, cette fois je vais rester (…)
Je reviens, le courant va passer
Un retour qui ressemble à une arrivée, Laurence parle même de « naissance ». « Il y a un vertige et de la fébrilité, mais en même temps, je n’ai jamais été aussi prête. J’assume tout. »
Qui a peur de la pop?
XO propose 10 chansons ficelées avec l’aide de Philippe Brault à la réalisation. Il y a les moments doux-amers et une recherche sonore élaborée qui évoquent la pop scandinave, et les chansons qui font l’effet d’une petite bouffée d’air frais et printanier. Formée en violon classique, émue par la musique à un tout jeune âge, Laurence se dit très attirée par la pop actuelle, des producteurs Diplo et Skrillex à The Weeknd, en passant par Christine & The Queens, elle s’est imprégnée de tout ce qui se fait aujourd’hui. « Je constate qu’en ce moment, on cherche beaucoup de choses dans la musique et qu’elle occupe une place plus importante que jamais dans nos vies. On travaille seul devant l’ordi… Bien des gens ponctuent leurs occupations d’une trame sonore qui leur fait du bien et les émeut. Les gens ont besoin de musique. »
La musique est-elle aussi présente parce qu’elle n’a jamais été aussi accessible? Il y a des irritants pour les créateurs dans la rétribution des droits d’auteurs, tout n’est pas rose, ni tout à fait au point. « J’en parlais justement avec mon ami Stefie (Shock) qui a connu l’âge d’or de la vente d’albums. Moi ça m’affecte moins, car je n’ai jamais été de la génération qui vend des disques… Je pense qu’on est dans une période d’ajustement par rapport au streaming et aux nouvelles façons de diffuser la musique. On ne peut pas se contenter de déplorer ce phénomène, car maintenant, ça passe par là. »
Fan de Lykke Li et de Lorde, Laurence a beaucoup de respect pour le travail de cette dernière. « C’est une fille qui s’est affirmée et qui a pris sa place en studio, qui a refusé des idées d’arrangements pour mettre de l’avant les siennes, elle utilise souvent sa voix, ce que je fais aussi. Quand j’avais le choix entre des synthés ou ma voix, c’est souvent ma voix « pitch shiftée » (dont on a accentué les aigus ou les graves) que j’ai utilisée. »
Une femme libérée
Dans ses textes, Laurence aborde les préoccupations de la génération qui monte. Tinder Love questionne les amours précipitées qui naissent dans le cyberespace et la désillusion que ce type de rapport humain peut engendrer. Le titre de l’album, XO – une bise et un câlin – est-il lui aussi en lien avec les façons que nous avons de démontrer de l’amour sur les écrans? « Oui dans sa signification première, mais il signifie également « humain complètement libre » en langage web. Ce n’est pas un code connu de tous, mais des jeunes l’utilisent dans le sens de s’apprécier au-delà des orientations sexuelles, distinctions de genres et de nationalités. Le nouveau jeune est plus ouvert, moins dans les stéréotypes. Peut-être parce qu’il a moins subi les contrecoups de la religion catholique? Moi je le trouve inspirant. On est plus dans l’acceptation que dans la glorification des barrières et des frontières. »
Il y a quelque chose de frais dans la proposition pop scintillante de Laurence Nerbonne, un vent de changement traverse l’album. « J’ai envie de faire les choses avec de l’empowerment. Avec Montréal XO, j’ai voulu recréer ce sentiment qu’on a quand on est dans un bar, qu’on entend une chanson qu’on aime, que tout le monde se met à danser et qu’on vit quelque chose ensemble. » Laurence tenait à ce que cette euphorie-là traverse ses chansons. Elle a enfin la possibilité de tout faire sans compromis.
« Je me lance dans le vide et ça m’excite au plus haut point. »