Nous sommes à la mi-janvier 2021 et l’auteure-compositrice-interprète professionnelle Lowell est aux prises avec une pièce qu’elle a de la difficulté à compléter. « Ça fait environ trois ans que je me débats avec cette chanson », dit-elle. « Je sais que c’est un “hit”, mais c’est tout ce que je sais. Je l’ai écrite et réécrite au moins une trentaine de fois avec des accords différents, des “beats” différents, et des approches différentes quant au concept. Je me cogne la tête sur le mur, mais je ne l’abandonne pas parce que je sais qu’elle va me rendre riche, un jour. On s’en reparle en 2030 », dit-elle à la blague.
C’est ce genre de casse-tête à la base même du processus de création musicale qui motive la musicienne qui partage son temps entre Toronto et Los Angeles. Elle a commencé à jouer du piano à trois ans et c’est à 14 ans, dans la foulée de la mort subite d’une amie proche, que Lowell s’est tournée vers l’écriture de chansons comme exutoire pour sa peine. « Très rapidement, j’ai appris que l’écriture de chansons était pour moi un outil qui me permet de gérer mes émotions et toute la solitude que j’ai ressenties à l’adolescence », dit-elle.
À peine sortie de cette adolescence aujourd’hui, elle a déjà collaboré avec des artistes comme Demi Lovato, Charlie Puth et bülow avec qui, en compagnie de cinq autres créateurs, elle a écrit « This Is Not a Love Song » qui a remporté un prix SOCAN de musique pop en 2019. Ses propres simples très directs — « Lemonade » et « God Is a Fascist » ont également eu un impact indéniable dans la foulée de son « hit » sur CBC Music, en 2014, intitulé « The Bells ». Lowell nous explique que les deux chansons ont été écrites durant une période particulièrement difficile.
« J’étais définitivement à un point de rupture quand j’ai écrit ces chansons », explique-t-elle. « Je voyageais entre L.A. et Toronto toutes les deux semaines pendant environ un an ; j’écrivais sans arrêt, mais j’avais l’impression que ça ne menait à rien. J’avais juste envie de rentrer à la maison, mais je savais que j’y étais presque, il suffisait que je persévère un, deux ou trois mois et j’allais atteindre mon but. »
« Il y a quelques phrases qui disent tout, à mon avis : Don’t know why I still make music/Why I gave you up to pursue it/Still the same shit still hollow/Still saving up for that condo (librement : Je ne sais pas pourquoi je fais encore de la musique/Pour laquelle je t’ai laissé tomber afin de continuer/Encore la même merde, le même vide/Encore en train d’économiser pour acheter un condo). Je n’ai aucunement la prétention de dire que j’ai réussi, mais je suis quand même heureuse de pouvoir dire que je n’ai plus besoin d’économiser pour ce condo. »
Aujourd’hui, le processus d’écriture est une motivation en soi. De la préparation à l’instrumentation, Lowell traite chaque chanson en fonction de ce dont celle-ci a besoin.
« Mon processus n’est pas super organisé », dit-elle. « J’ai écrit plein de chansons de plein de façons différentes. Je cherche constamment l’inspiration dans tout ce qui m’entoure, des films, des livres, des engueulades avec mon partenaire, mes amies ou encore les engueulades de mes amies avec leurs partenaires ou leurs amies. Quand je finis par trouver un bon filon, j’ai déjà oublié comment j’y suis arrivée, alors je cherche constamment de nouvelles approches. »
« J’ai bien entendu des mémos vocaux incroyables que j’ai enregistrés en plein milieu de la nuit quand une chanson m’est venue dans un rêve. Ils se terminent généralement avec moi qui me rendors et ronfle », confie-t-elle avec amusement. « Quant aux instruments ou aux endroits où j’écris chez moi, j’essaie de ne pas passer trop de temps sur le même instrument. L’inspiration vient du changement, pour moi, alors j’essaie de changer de pièce, je sors faire une marche et j’essaie un synthé différent quand je rentre. Mes meilleures chansons viennent de mon subconscient, alors j’essaie de ne pas avoir une routine trop… routinière. »
Mais en fin de compte pour Lowell, les collaborations sont cruciales à sa croissance. « La collaboration est un outil indispensable quand on veut devenir auteur-compositeur », affirme-t-elle. « Je ne dis pas qu’il faut constamment écrire avec d’autres — c’est même utile d’écrire en solo — mais je ne connais pas beaucoup de créateurs à succès qui ne coécrivent pas avec d’autres. Il ne faut pas oublier qu’on écrit pour la masse. Comment peut-on arriver à écrire pour la masse si on a qu’un seul point de vue ? »
Cinq trucs du métier
- « “Si le squelette est solide, le reste n’a pas d’importance”, alors commencez avec le “hook”. (Je remercie [le regretté] busbee pour ce dicton.) »
- « Ne fixe pas la page blanche trop longtemps. Ton subconscient est vraiment très utile quand t’écris, alors aussitôt que tu as un titre ou un concept, attrapes un micro et laisses toi aller pour voir ce qui va sortir. »
- « Je passe beaucoup de temps à étudier et analyser les “hits”. Je trouve ça très utile de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas de manière très générale. Ce n’est pas une science exacte, mais il y a définitivement des outils qu’on peut apprendre afin de nous guider et d’améliorer la “hit-titude” de nos “hooks” quand on tourne en rond. »
- « Celui-ci est très important : essaie de ne pas être trop déprimant ! Je suis l’une des personnes qui se dévalorisent et se détestent le plus, mais je sais que je ne suis pas seule. C’est facile d’en venir à se détester soi-même quand tout le monde annonce ses réussites en ligne. En vérité, j’écris au mieux une bonne chanson par mois. C’est normal d’être pourri de temps en temps, et ça ne veut pas dire que tu est pourrie en tant que personne. »
- « Il est vrai que les bonnes idées ont plus de chances de plus la pièce est grande. J’essaie toujours de ne pas enterrer une idée de chanson avant de l’avoir jouée devant quelques membres de mon équipe. »