« J’ai longtemps dit que j’étais en combat avec moi-même », confie Marie-Mai au début de notre entretien. « Et ce combat-là, c’est un sujet qui revient souvent dans ma banque d’inspiration. »

Marie-MaiSon septième album, tout simplement intitulé Sept, s’inscrit dans la continuité de cette tangente thématique, auparavant explorée sur des chansons comme Elle et moi et Conscience. Sur ce nouvel opus paru le 18 octobre, l’autrice-compositrice-interprète ouvre le dialogue de manière très franche à propos de sa dualité, entre autres sur Je le berce dans mes bras : « Quand l’ennemi ne fait plus son effet / Il se tait / Pour le vaincre à son propre combat / Je le berce dans mes bras »
Cet « ennemi » maintes fois évoqué, c’est à la fois l’ego et la voix intérieure de la chanteuse. « En fait, c’est le tape à cassettes ! » résume-t-elle. « C’est ce tape qui te répète ‘’es-tu certaine que tu fais la bonne affaire?’’. C’est ce sentiment de n’être jamais assez, de devoir toujours faire plus.

Pour Marie-Mai, le tape à cassettes, il roule depuis longtemps. D’aussi loin qu’elle se souvienne, l’artiste s’est senti à part des autres. « Je pense qu’on peut même remonter à l’enfance, quand j’étais à l’école avec mon TDAH non diagnostiqué. Je ressentais constamment [la lourdeur du] regard extérieur », se rappelle celle qui a dû attendre la trentaine avant que ce trouble du neurodéveloppement ne soit officiellement diagnostiqué. « Et pendant longtemps, mes émotions prenaient le dessus sur moi. J’étais mes émotions ! Ça a apporté beaucoup de bon dans ma carrière, mais des fois, je me suis sentie ensevelie par mes émotions. Maintenant, je veux être la personne au-dessus de mes émotions. Je veux les remettre à la bonne place. »

Pour arriver à se sortir la tête de l’eau, Marie-Mai a dernièrement trouvé refuge dans le silence, notamment grâce à la méditation. D’un seul coup, elle a eu besoin d’arrêter tout le bruit autour d’elle. De là, entre autres, cette pause musicale d’environ six ans. « J’ai voulu prendre un pas de recul, autant sur le plan professionnel que personnel. Et c’est en faisant le silence que j’ai pu entendre… ma voix à moi », dit-elle.

« En quelque sorte, une chanson comme Je le berce dans mes bras, c’est la réalisation que mes parts d’ombre et mes démons intérieurs, je n’ai plus envie de me battre avec eux. C’est comme si les textes de l’album, d’une façon générale, m’avaient montré que j’étais maintenant en paix avec mes parts d’ombres. Y’a comme une paix dans l’acceptation de qui je suis. En fait, c’est la constatation que la vie va toujours être comme ça, ponctuée de déchirements, de doutes, de belles choses, de bons coups… C’est pas une droite qui monte, c’est une courbe qui valse », réfléchit l’artiste, faisant au passage un clin d’œil à la pièce qui termine ce nouvel album, la chanson bilan Conte de fée.

« J’étais gonflée à bloc dans ce temps-là ! »

Marie-MaiSept marque à la fois le 40e anniversaire de la chanteuse et le 20e anniversaire de son arrivée fracassante sur la scène québécoise avec un premier album aux contours emo pop intitulé Inoxydable. Juste avant, on avait connu cette Marie-Mai débordante d’énergie, « dos tatoué, langue percée », dans la première cuvée de Star Académie. « J’étais gonflée à bloc dans ce temps-là ! » admet celle qui, à 18 ans, était la plus jeune académicienne de cette première édition. « Pour moi, y’en avait pas de plan B. C’est ça que j’allais faire dans la vie. Ma première chanson, je l’ai écrite à l’âge de six ans. C’est aussi à cet âge-là que j’ai dit à ma mère que j’allais faire [de la musique] dans la vie. »

Quand sont donc arrivés ces « déchirements », ces « doutes » ? « C’est arrivé avec le succès », analyse Marie-Mai. « On a souvent tendance à mettre les artistes dans une boîte. Moi, au début, j’étais considérée comme une chanteuse pour les jeunes, une rockeuse. Ensuite, je suis devenue une chanteuse pop [qu’on comparait à Lady Gaga]. Ensuite, j’ai entendu des comparaisons avec Taylor Swift… On m’a même déjà qualifiée de Beyoncé blanche ! Après ça, quand j’ai commencé à animer à la télé, on m’a demandé si j’avais peur de perdre ma crédibilité comme chanteuse. Je me suis sentie restreinte à travers toutes ces étiquettes. Je sentais que je devais me battre pour montrer que j’étais pas juste la boite dans laquelle on voulait me mettre. C’est là que le doute arrive. »

À ses tout débuts, après Star Académie, on a douté de sa capacité à écrire ses propres chansons, même si Marie-Mai, elle, n’en avait jamais douté depuis son enfance. C’est un certain Luc Plamondon qui était censé être aux commandes de son premier album. « Ça s’enlignait pour être une sorte de Marie-Mai chante Plamondon, dans lequel j’aurais chanté ses anciennes chansons », explique-t-elle. « Je suis allée passer deux semaines à Dublin avec lui. Et un matin, il m’a entendu chanter. Il m’a regardé et m’a dit : ‘’Si t’es capable d’écrire tes chansons, tu n’as pas besoin de moi.’’ C’était vraiment un conseil qu’il me donnait. Quand je suis retournée dans les bureaux [des producteurs] pour dire que j’allais moi-même faire mon album, ils m’ont regardé : ‘’Mais t’es folle ! T’avais Luc Plamondon !’’ »

Marie-Mai video

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Les doutes sur sa capacité à écrire des chansons efficaces se sont complètement dissipés à la sortie de son grand succès Encore une nuit comme extrait radio, en 2005. Cette chanson, Marie-Mai l’avait créée, paroles et musique, à l’âge de 16 ans. « Je savais que je voulais écrire mes affaires, mais je savais pas encore si j’étais bonne. Mais d’avoir eu cette confirmation-là du public, j’ai senti que j’étais capable et, à partir du deuxième album, je les ai toutes écrites ou coécrites. »

La collaboration est encore primordiale pour Marie-Mai. Sur Sept, elle s’entoure d’un florilège de créateurs et créatrices pour échafauder ses chansons, notamment de Claire Ridgely, de Clément Langlois-Légaré et Adel Kazi-Aoual (de Clay and Friends) ainsi que de Lucas Liberatore, aux commandes de la réalisation et de plusieurs compositions. « J’aime collaborer pour sortir de mon propre registre musical. J’aime me faire challenger, échanger des idées. Ça m’aide à devenir meilleure. »

Comme c’est le cas depuis son deuxième album, c’est elle qui garde les mains sur le volant dans toutes les étapes de création. Et ça, elle en est très fière. « Quand je suis parti de chez Musicor pour aller chez Spectra y’a quelques années, on a fait un événement au Centre Bell pour annoncer mon nouvel album et mon spectacle. En prenant le micro, j’ai dit : ‘’Salut, ça fait longtemps qu’on s’est pas vus. Je me présente : Marie-Mai, autrice-compositrice-interprète ! ’’ Oui, j’aime la mode, les chorégraphies, les shows… Mais y’a rien que j’aime mieux que l’écriture », insiste-t-elle. « Je pourrais ne plus jamais faire de spectacles et être bien sans ça… juste avec l’écriture. »

Heureusement pour elle, elle n’aura jamais à choisir entre les deux.