C’est un « cocktail d’évènements difficiles » durant les trois dernières années qui a mené Noé Talbot a son plus récent album Remercier les accidents. Tous les obstacles, de l’anxiété jusqu’aux embûches liées à un horaire trop rempli se sont superposés, puis les accidents, les choix, les repos forcés et les nouveaux départs imprévus ont donné naissance à la musique post-tempête. Celle qu’on remercie.
« Je n’avais jamais fait d’anxiété de ma vie et tout d’un coup, je ne pouvais plus sortir de chez moi durant plusieurs jours comme si j’étais paralysé. J’avais brûlé la chandelle par les deux bouts », se remémore Noé Talbot, aujourd’hui résigné à choisir ses combats. « J’étudiais en enseignement à temps plein, j’avais une blonde en France et plein de projets musicaux, dit-il. J’avais toujours été du genre à dire ”si tu veux tu peux”, mais là, le corps ne pouvait plus suivre. »
Avec un nodule sur une corde vocale, enseignant le jour et chantant le soir, Noé Talbot a compris qu’il fallait faire des choix. « Entre l’enseignement et la musique, j’ai choisi la musique, lance-t-il. J’ai guéri mon nodule et je me suis offert du temps à moi. Ça m’a rendu beaucoup plus humain et sensible à la détresse psychologique. »
Au moment de faire son album, un problème administratif entre ses musiciens et sa maison de disques a changé ses plans. « Ça m’a obligé à engager des musiciens de studio, raconte-t-il. J’ai pris trois réalisateurs différents. Ça m’a sorti de ma zone de confort et j’ai dû être plus attentif à moi-même parce que c’était moi la seule personne qui liait toutes les parties du projet. »
Pour lui, la plus grande difficulté qu’amènent les changements et les pauses, c’est de les accepter. D’où la provenance du titre de son album. « Je remercie tous mes accidents de parcours, confirme-t-il aujourd’hui. On est toujours en train de se battre contre la fébrilité de la vie, la tempête, la tornade et on oublie que l’acceptation, c’est la clé. C’est pas grave d’être au fond du baril. Il faut juste que tu acceptes que tu sois au fond du baril », ajoute-t-il en riant.
Les accidents ne sont pas étrangers au processus créatif de Noé Talbot. « Je me base beaucoup sur la maxime, ”la contrainte amène la créativité”, dit-il. J’essaie d’écrire pas mal tous les jours et j’aime essayer des styles et des genres différents. » Globalement, c’est quelque chose que l’on constate rapidement puisque toutes ses chansons sont extrêmement différentes.
« Certains artistes sont plus dans l’uniformité, nomme Noé. Moi, ça m’embêterait. Je veux que chaque chanson ait une âme. » C’est pour cette raison qu’il tient à varier les processus d’écriture. Une chanson pourra ainsi naître a capella, au piano, à la guitare, en studio ou dans la douche, à partir d’une mélodie venue soudainement ou d’une phrase qu’il désire exploiter longuement. « La créativité, c’est un muscle, précise-t-il. Je fais beaucoup de mots croisés, je varie mes techniques pour diversifier mon vocabulaire. »
Après ce travail intense pour ne jamais se fossiliser dans une méthode trop apprise, il reste la pression. « La meilleure alliée à la créativité, c’est de l’enlever, la pression, croit Noé Talbot. J’ai la chance d’avoir des projets qui fonctionnent. Pas extraordinairement, mais j’ai des fans pour chaque chose que je fais, que ce soit plus punk ou plus soft. Le prochain album sera très doux et je me donne cette liberté-là, de revenir à la douceur si j’en ai envie, de faire ce que je veux. »
Arriver à ses fins avec une chanson, ce n’est pas magique, mais il connait une partie de la recette : « Créer un hit, c’est 70 % de marketing et 30 % de réussir à toucher l’âme des gens en même temps que la tienne. Il faut que tu y mettes une partie de toi. » À ce point-ci de la création, le seul moyen de réussir, à son avis, c’est d’en faire beaucoup. Si parmi une centaine de chansons, il n’y en a qu’une qui arrive à se démarquer, il faudra donc en écrire cent.
Noé Talbot habite son propre processus créatif autant qu’il souhaite comprendre et démystifier celui des autres. C’est pourquoi il pilote avec Philippe Vaillancourt, le balado Main d’œuvre. « Avec chaque artiste, on se raconte des histoires de studio, on rentre dans le détail des paroles des chansons et on comprend l’authenticité de chacune des personnes qui fabrique une toune », promet-il. Il espère ainsi pouvoir cueillir l’expérience des autres et en faire profiter plus d’un : « Un artiste qui réussit, c’est presque toujours un artiste qui sait que l’authenticité le mène à ce qu’il fait de mieux. »