Cela ne faisait que deux jours que Jon Matte était de retour à Montréal. Le chanteur et leader de Franklin Electric a passé les deux derniers mois en Australie, un séjour qu’il qualifie d’expérience transformatrice et dont ses yeux brillants confirmaient la véracité des propos.
« Nous présentions pour la première fois notre deuxième disque, Blue Ceiling. Oui, nous avons fait des premières parties d’Half Moon Run et du groupe australien Woodlock, mais aussi des salles, seuls, devant des fans qui nous ont connus lors d’une première tournée. Nous avons terminé le voyage à la campagne, sur la côte ouest, devant l’océan Indien. Et nous avons présenté un spectacle dans une grange devant une centaine de personnes et qui s’est transformé en une fête qui a duré toute la nuit. Ces moments-là, tu les reçois comme des cadeaux. » Cette avant-première en Autralie a ainsi préparé The Franklin Electric au lancement officiel de Blue Ceiling au Canada et pour le reste de la planète afin d’ensuite reprendre la saison des spectacles.
Dès le premier disque This is How I Let You Down, le groupe montréalais trouve écho à sa musique tant au Canada, qu’en Australie et en Europe. La bande à Jon Matte compte 5 voyages en terre européenne, dont deux tournées comme tête d’affiche. Divers éléments expliquent la nature bourlingueuse de cette musique folk teintée de pop. The Franklin Electric a profité de nombreuses premières parties, principalement en compagnie d’Half Moon Run avec qui ils partagent le même label canadien, Indica. L’autre élément déterminant fut la signature avec la maison de disque allemande Revolver et l’appui du distributeur européen Believe qui assure une représentation active sur le territoire. « Travailler avec une équipe, peu importe sa grosseur, fait toute la différence. La semaine prochaine, nous sommes l’album de la semaine dans une radio étudiante allemande. Et nous tournerons pour une première fois en Scandinavie. On continue à s’étendre. Il y a toujours les États-Unis que nous n’avons pas encore touchés. »
La route est si intriquée à l’ADN du groupe que Matte a initié l’écriture de Blue Ceiling sur la route. « Nous étions si pressés de sortir un deuxième album qui ressemblait à nos spectacles… Nous avions l’impression qu’il y avait une urgence. Je me suis alors mis à composer en tournée. Mais la réalité, c’est que nous avions le temps et que rien ne pressait. Il faut dire qu’il y a chez moi une forme de désespoir dans la création, une obsession, comme si je ne pouvais faire autrement. »
Entre les tournées, Franklin Electric entre en studio, chez Mixart, chez Pierre Marchand ou encore, au studio maison d’Indica, divers lieux d’enregistrement afin de saisir ces chansons composées en voyage. « Après un an d’enregistrement, je suis retourné seul en studio, en état d’urgence, alors que c’était terminé. Je me suis assis derrière les instruments, la batterie, la guitare, le piano, la basse, la trompette pour sortir ce qui m’habitait encore. Cinq nouvelles chansons ont été enregistrées. J’ai l’air d’un gars perfectionniste qui ne sait pas où s’arrêter, mais c’était plus fort que moi. » Le cours des choses semble avoir donné raison à Jon Matte. Ces cinq dernières pistes se trouvent aujourd’hui sur Blue Ceiling.
Il y a quelque chose proche de la transe qui habite le multiinstrumentiste originaire de Hudson lors du processus créatif. Pour stimuler cette forme d’improvisation, Matte réalise un exercice qui consiste à nommer tout ce qui l’entoure afin d’arriver à l’essentiel, à ce qui l’habite en lui. « J’aimerais être habité par des chansons d’amour, mais là, il s’agit plus de chansons de transformations, d’enlever ces couches qui nous séparent de nous-mêmes. Je ne commande pas ces thèmes. Ils s’imposent à moi. Souvent, je sens la musique et je marmonne les mots. J’étais inquiet face à ce processus de création pas très contrôlé. Et en tombant sur une maquette de « Beat It », j’ai constaté que cela arrive aussi à des créateurs comme Michael Jackson. J’aimerais te dire que je suis organisé, que je m’assois tous les jours pour écrire, mais ce n’est pas ce qui se passe… Tout sort un peu tout croche. Mon processus est très instinctif. »
Si les musiques et les paroles de Blue Ceiling sont entièrement signées par Jon Matte, il est facile de se questionner sur la nécessité de regrouper ces créations sous l’identité d’un groupe. Voilà une situation inusitée dans un monde musical qui valorise souvent les personnalités fortes et flamboyantes. « Je ne peux pas concevoir ce projet musical sans une famille. Je suis comme ça. Vois-tu, le travail de mon batteur Kevin Warren est essentiel et c’est pour reconnaître le travail des gens qui m’entourent que je préfère cette identité collective. Et puis, être tout seul, sur une scène, ça ne m’a jamais intéressé. Pas hier ni demain. »
The Franklin Electric existe avant tout dans cette envie de partager, d’échanger d’être humain à être humain.