Si vous prévoyez devenir auteur-compositeur professionnel, Nashville est votre Jérusalem bien à vous. C’est cet endroit magique ou de vieux sages quittent leur ferme sur leur tracteur John Deere pour se rendre à Music Row afin d’y écrire des chansons qui seront interprétées par les légendes du country. Puis, comme des légions d’autres avant vous, vous planifiez votre pèlerinage vers cette sainte ville qu’est Nashville. Mais, qu’on se le dise, malgré son accueil et sa nonchalance typique du Sud, Music City peu également être un endroit particulièrement intimidant. Même au beau milieu de l’après-midi, un mardi, une courte marche sur Broadway vous permettra de voir et entendre des centaines de musiciens jouant gratuitement dans chaque bar, resto, café et coin de rue dans l’espoir de se faire découvrir. Mais qui plus est, vous apprendrez rapidement que tout le monde qui travaille dans ces établissements, du barman au barista, est également un auteur-compositeur, un chanteur ou un musicien. Quel espoir, alors, pour un autre auteur-compositeur en devenir?? Voici quelques conseils utiles.
Premièrement, présumons que vous chansons ne durent pas sept minutes et contiennent cinq couplets. Ça peut paraître légèrement ridicule, mais j’ai connu bon nombre d’artistes qui peuvent écrire de « bonnes » chansons sans effort, mais qui se sont cassé les dents à Nashville, car leurs œuvres ne correspondaient pas à la structure conventionnelle d’une chanson. Ce que l’on peut typiquement entendre à la radio suit la formule « couplet-refrain-couplet-refrain-interlude-refrain » et se résout généralement en trois minutes et 15 secondes. La majorité des débutants pensent sincèrement que leurs créations sont le fruit d’une inspiration divine et qu’elles n’ont conséquemment besoin d’aucune forme de révision. Toutefois, comme bien des entreprises humaines, la création musicale, c’est 10 % d’inspiration et 90 % de parturition. Si vous créez de la musique d’aspiration commerciale, il est absolument crucial de comparer vos créations à ce qui est actuellement populaire à la radio. Si votre chanson a besoin d’améliorations, ce qui est probablement le cas, remettez-la sur le métier.
D’autre part, la musique country possède ses propres conventions lyriques. À Nashville, tout le monde connaît le vieil adage « les paroles sont reines », qui signifie que votre chanson doit d’abord et avant tout raconter une histoire. La musique est importante, mais les paroles doivent comporter un message, et ce message doit être transmis sur le ton d’une conversation. Cela signifie simplement que vos paroles doivent donner l’impression d’une conversation entre vous et votre interlocuteur. J’ai assisté à des réunions de « pitch » où un éditeur musical offrirait ses commentaires au sujet d’es paroles d’une chanson et disait des choses comme « c’est pas comme ça que tu le dirais à quelqu’un ». Exemple?? « Son chapeau préféré, toujours elle le portait ». Personne ne dirait une telle phrase dans la vie de tous les jours. Dans une conversation normale, la plupart des gens diraient « elle portait tout le temps son chapeau préféré ». Cela a pour but de rendre la chanson le plus accessible possible au plus grand nombre de gens.
Règle générale, c’est Nashville qui écrit le « hook » ou le titre d’une chanson. Prenons par exemple « Jesus Take the Wheel », qui fut un succès pour Carrie Underwood. Le premier couplet parle d’une jeune femme qui perd le contrôle de sa voiture. Le premier refrain implore réellement Jésus de prendre le volant afin de la sauver. Dans le second couplet, nous apprenons qu’elle a commis certaines erreurs dans sa vie, et lorsqu’arrive le deuxième refrain, ses mots ont soudain pris un tout autre sens. Elle demande maintenant à Jésus de prendre le contrôle spirituel de sa vie. Ce genre de double sens est très couramment utilisé dans le domaine de la musique country. « Jesus Take the Wheel » est écrite de manière à ce que le refrain apporte non seulement une récompense musicale, mais également lyrique, et lorsque l’auditeur entend le second refrain, cette récompense dans la signification est d’autant plus excitante.
Dans d’autres genres musicaux, les paroles relèvent plus du monologue intérieur que de la conversation. Les paroles jouent un rôle de deuxième plan en comparaison de sa charge émotive et de son ambiance. C’est le cas d’artistes tels que Dave Matthews ou The Fray. Les auditeurs peuvent percevoir la chanson et interpréter les paroles d’une manière très personnelle. La musique country n’utilise pas cette approche et s’en tient presque exclusivement au ton conversationnel.
Avant de vous rendre à Nashville, assurez-vous de trouver des contacts qui sauront vous ouvrir quelques portes, particulièrement afin de trouver d’autres créateurs ouverts à une collaboration. Si vous avez déjà des chansons prêtes à être présentées, ce contact pourra peut-être vous obtenir un rendez-vous avec un éditeur. Des sociétés comme BMI, ASCAP et SESACtiennent régulièrement des séances destinées aux auteurs à Nashville et celles-ci sont ouvertes au public. La Nashville Songwriters Association International (NSAI) est une autre ressource très utile à Music City. Il existe de nombreux regroupements d’auteurs en ligne, sur Facebook et LinkedIn, entre autres, et, avec un peu de persévérance, vous pourrez rencontrer d’excellents artistes qui seront heureux de collaborer avec vous. Tout est une question de réseautage et d’établir des liens professionnels.
Lorsque vous aurez enfin une occasion de collaborer avec un auteur-compositeur professionnel, ce sera vraisemblablement parce que quelqu’un aura décidé de vous donner une chance. Un ami ou un professionnel de l’industrie a communiqué avec un autre auteur qui a, lui aussi voulu vous donner cette chance. C’est le temps de faire bonne impression?! N’arrivez pas les mains vides?! Bien que vos parts d’auteur seront vraisemblablement égales, ne vous voyez pas comme des égaux. Si vous êtes un débutant et que vous collaborez avec un auteur-compositeur établi, vous devez faire vos preuves. Qu’est-ce que ça signifie?? C’est une règle non écrite et implicite : dans une telle situation, vous avez la responsabilité d’arriver avec des idées. Vous devez avoir plusieurs d’elles tant sur le plan musical que des paroles. Apportez plusieurs ébauches et laissez votre vis-à-vis donner le ton.
Vous devez, bien entendu, être capable de communiquer ces idées. Si vous proposez une phrase et qu’elle n’accroche pas les auteurs présents, passez à la suivante. Ne soyez pas inutilement sentimental. Les meilleures séances de création auxquelles j’ai pris part sont celles où tout le monde est à l’aise et où les idées volent à toute vitesse. Lorsque la phrase qui tue est finalement trouvée, le consensus est généralement immédiat. N’oubliez pas d’être poli et courtois et n’essayez surtout pas d’avoir l’air de tout savoir. Après tout, vous n’essayez pas simplement d’écrire une bonne chanson, mais vous essayez également de vous assurer qu’on vous invite de nouveau. Si tout se passe bien, votre réseau viendra par le fait même d’augmenter de manière exponentielle. Et si la chance est avec vous, l’un de vos collaborateurs est peut-être déjà sous contrat avec un éditeur. Si c’est le cas, il y a de bonnes chances que votre œuvre soit présentée à cet éditeur. Et si votre chanson est suffisamment solide, votre éditeur la proposera peut-être à quelques gros joueurs de Nashville. Qui sait?? Peut-être est-ce que ça deviendra votre premier succès endisqué! Mais à tout le moins, votre nom aura désormais commencé à circuler auprès des éditeurs de Nashville, ce qui a de bonnes chances de vous ouvrir de nouvelles portes.
Lorsque je me suis établi à Nashville, j’ai d’abord collaboré avec un voisin qui habitait à quelques portes de mon appartement. J’ignorais qu’elle était sous contrat auprès d’un éditeur. Il présentait nos collaborations à son éditeur et en moins de temps qu’il faut pour le dire, nous étions en studio avec Clint Black. Le projet ne s’est malheureusement pas concrétisé, mais cela m’a tout de même ouvert énormément de portes. L’important, donc, c’est de garder un esprit ouvert, peu importe qui vous croisez.
On ne sait jamais d’où proviendra la providence…